3 days ago
UBS: la banque fait face aux revendications du Congrès juif mondial
Fonds en déshérence
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UBS fait face aux revendications du Congrès juif mondial
L'ex-président de Credit Suisse Urs Rohner conseille aujourd'hui l'organisation qui réclame des milliards à UBS. Un changement de camp qui soulève des questions.
Arthur Rutishauser
L'ex-président de Credit Suisse Urs Rohner ne voit pas de conflit d'intérêts dans son activité pour le Congrès juif mondial.
URS JAUDAS/TAMEDIA
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En bref : Des documents inédits révèlent l'existence d'une «American Blacklist» chez Credit Suisse.
Le Congrès juif mondial réclame jusqu'à 10 milliards à UBS, successeur juridique de Credit Suisse.
Le Sénat américain poursuit ses investigations sur les fonds en déshérence.
Il y a 25 ans, l'affaire des fonds en déshérence des victimes de l'Holocauste faisait scandale. Un accord avait été conclu entre les banques suisses et le Congrès juif mondial (CJM). Il a coûté 2 milliards de francs aux grandes banques. «Solde de toutes revendications», disait-on.
Malgré cela, le CJM entre à nouveau en conflit avec UBS, qui a racheté Credit Suisse en 2023. Son président, Ronald Lauder, réclame une réévaluation de l'accord de règlement conclu en 1998.
Des enquêtes récentes ont révélé des documents inédits dans les coffres de Credit Suisse, notamment un registre baptisé «American Blacklist» qui recensait les comptes soupçonnés d'avoir des liens avec le nazisme. Ces archives n'avaient pas été prises en compte lors des investigations menées dans les années 1990. Le milliardaire et philanthrope américain réclame entre 5 et 10 milliards de dollars à UBS, successeur légal de Credit Suisse.
Enquête menée sous la direction d'Urs Rohner
Un détail est passé inaperçu jusqu'ici. Urs Rohner, président du conseil d'administration de Credit Suisse de 2011 à 2021 et ancien juriste en chef de la banque dès 2004, siège depuis juin 2023 au Security Advisory Council du World Jewish Congress. Depuis 2023, il met son expertise au service du CJM dans son action contre le successeur juridique de Credit Suisse. Il serait intéressant de comprendre les raisons qui ont poussé le CMJ à le désigner conseiller. Sa nomination s'appuie sur sa longue expérience dans les questions financières et juridiques internationales, selon le site internet du CJM.
On peut lire également ce qui suit: «M. Rohner est un membre central de la Commission for Countering Extremism (CCE), dirigé par le président du CJM lui-même et l'ancienne directrice de la CIA Gina Haspel. Il a joué un rôle crucial dans la réalisation des efforts récents visant à amener l'industrie financière suisse à examiner son histoire et son héritage et à assumer ses responsabilités.» Alors, à la caisse.
«M. Rohner a fait preuve d'un leadership moral exemplaire», a affirmé le président du CMJ Ronald Lauder.
EPA
Pour y parvenir, Urs Rohner a rejoint le «Project Righteousness» et a veillé, selon le CMJ, à ce que soient entrepris «des efforts sans précédent» en ordonnant une nouvelle enquête sur les fonds en déshérence.
Sa contribution à l'enquête a par ailleurs été saluée dans un document sur les «droits humains et la justice historique», que le CCE a remis au président des États-Unis. Il faut savoir que le président du CJM est un ami de Donald Trump. Ronald Lauder multiplie les éloges envers Urs Rohner: «M. Rohner a fait preuve d'un leadership moral exemplaire dans une affaire aux lourdes conséquences pour les droits humains dans le monde entier.»
Premiers succès pour le Congrès juif mondial
Quelle a été la contribution de l'ancien président de Credit Suisse à l'affaire? Quand il travaillait encore à la banque, celle-ci a nommé Neil Barofsky comme enquêteur. Ce dernier connaissait bien l'établissement, ayant supervisé pendant des années le dossier des avoirs non déclarés après l'accord conclu par la banque en 2014. Il s'était notamment fait remarquer en facturant des montants considérables. Malgré cela, il a obtenu le mandat de mener une nouvelle enquête sur les fonds en déshérence.
Après le départ d'Urs Rohner et de son juriste en chef de longue date Romeo Cerutti en 2021, leur successeur Markus Diethelm a licencié Neil Barofsky. Mais il n'est pas resté longtemps sur la touche. Malgré la résistance initiale de Credit Suisse, il a révélé les premières preuves que la banque avait dissimulé des comptes liés au nazisme dans les années 1990.
Neil Barofsky et Ronald Lauder peuvent se féliciter d'un succès de taille: le Sénat américain a donné suite à l'enquête. Un rapport de la chambre haute du Congrès de 2023 reprochait à Credit Suisse son manque de coopération et évoquait, en s'appuyant sur les recherches de l'ancien procureur nommé médiateur, des pistes inexploitées concernant des comptes nazis. Pour apaiser les tensions, UBS a réintégré l'avocat après le rachat. Il devrait achever son enquête l'année prochaine. Il semble d'ores et déjà clair que le géant financier ne pourra pas s'en sortir à bon compte dans cette affaire.
Interrogé sur le caractère délicat du mandat d'Urs Rohner au CJM, son porte-parole explique: «Urs Rohner a rejoint le comité sur proposition de Sebastian Thrun, professeur à Stanford et ami. Selon lui, il n'aurait participé à aucune réunion depuis son arrivée au comité. Il ne voit aucun conflit d'intérêts. Il aurait toujours œuvré pour que le CJM ne s'attaque pas seulement aux banques suisses, mais aussi, notamment, aux banques françaises.» Le montant de sa rémunération pour ce mandat demeure flou.
L'ex-cheffe controversée de la CIA siège au Congrès juif mondial
Il est intéressant de noter que le CJM évoque la question des droits humains en lien avec le CCE. Sa coprésidente, Gina Haspel, qui a dirigé la CIA durant le premier mandat de Trump, a travaillé pendant des années pour l'agence dans différents endroits du monde. En 2001, elle a été affectée à la lutte contre le terrorisme. C'était au lendemain des attentats du 11 septembre à New York et à Washington.
Gina Haspel, devant la commission sénatoriale du renseignement, chargée de valider sa candidature, le 9 mai à Washington.
AP
En octobre 2002, elle a pris la direction d'une prison secrète de la CIA en Thaïlande, où étaient notamment détenus Abd al-Rahim al-Nashiri et Abu Subaida, présumés terroristes qui ont subi des actes de torture. Un rapport de la CIA révèle que le «waterboarding», technique d'interrogatoire par simulation de noyade, et d'autres méthodes interdites y étaient utilisés.
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Arthur Rutishauser est rédacteur en chef de la «SonntagsZeitung». Docteur en économie, il était à l'origine journaliste économique. Plus d'infos
@rutishau
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